(English Version below)

 La main de la sorcière

Il était une fois des mains de sorcières.

Celles de Cécile ont les ongles vernis. Ses mains fermes et précises plantent un couteau dans la coque du bateau qu’elle retape. Depuis que son père l’emmenait sur les ports observer les vieux gréements quand elle était enfant, Cécile est fascinée par la mer et les bateaux. Elle ne sait pas si elle arrivera à réaliser sa vocation mais elle s’accroche. Depuis la nuit des temps, la sorcière incarne la femme affranchie de toute domination, de toute limite. Par un processus alchimique, Cécile transmute le bois en embarcation, et ses doutes en une volonté farouche d’exister dans un monde d’hommes.

À quelques encablures de là, plus tôt dans la journée, une autre main de sorcière remonte dans les filets d’un pêcheur. C’est un corail brun gorgé d’eau, aux branches comme des doigts boursouflés de verrues.

De ces deux visions que j’ai croisées par hasard le temps d’une marée, une légende est née.

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The witch’s hand

Some legends are born in the sea – that of the witch’s hand, for example, who sometimes rises from the depths to land in a fisherman’s net: a brown coral gorged with water, whose branches are like fingers swollen with warts.

Other legends are born on earth. Cécile’s hands bring boats eaten away by time back to life. Her hands are not swollen with warts but bear varnished fingernails. Through an alchemical process, she transmutes wood into a boat, and her doubts into a fierce desire to exist in a world of men.

Witch’s hands, found by chance on the shoreline. Between them a thread was woven, a new legend was written.